Pourquoi organiser la prise de ses médicaments mérite toute votre attention

Avec l’âge, les pathologies chroniques deviennent plus fréquentes et la prise de médicaments, souvent indispensable. Selon la Haute Autorité de Santé, après 65 ans, 55% des Français prennent au moins cinq médicaments différents chaque jour (source : HAS, 2022). Cette « polymédication » peut être un vrai défi au quotidien : horaires, posologie, interactions, oublis... Les risques d’erreur ou de mauvais suivi augmentent, tout comme le sentiment de lassitude ou de perte de contrôle.

Or, une bonne organisation de la prise de médicaments permet non seulement de préserver sa santé, mais aussi de garder confiance en soi et son autonomie. Le but n'est pas d'alourdir le quotidien, mais de le simplifier. Au fil des ans, de nombreuses solutions concrètes et fiables se sont développées pour accompagner les personnes âgées et leurs proches aidants. Comprendre les enjeux et connaître les outils adaptés est la première étape.

Identifier ses médicaments et bien comprendre son traitement

Avant d’aborder l’aspect organisationnel, il est crucial de bien savoir ce que l’on prend. Les médicaments couvrent toutes sortes de formes : comprimés, gouttes, patches, injections, pommades… et tous ne se prennent pas au même moment ou de la même façon. Cela peut sembler évident, mais un audit rapide révèle régulièrement des doublons dans les armoires à pharmacie ou des traitements périmés.

  • Lister tous ses médicaments : Notez chaque médicament, son nom commercial et générique, la posologie exacte, la voie d’administration, la durée du traitement, l’indication… Mettez à jour cette liste à chaque changement de prescription. L’Assurance Maladie propose un modèle de « Carte de suivi des traitements » à imprimer (ameli.fr).
  • Demander l’aide du pharmacien : En cas de doute, le pharmacien est un allié précieux. Il peut vérifier d’éventuelles interactions, expliquer couchers et prises à jeun, et trier armoire et ordonnances.
  • Conserver la notice : Gardez la notice dans la boîte, identifiez bien chaque médicament en recollant si besoin une étiquette lisible.

Selon une enquête Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG) de 2021, près d’un tiers des seniors ne savent plus à quoi sert un ou plusieurs de leurs médicaments. Poser des questions est essentiel, sans tabou.

Repérer les difficultés courantes : repères pour agir

Avant de choisir une méthode d’organisation, il est utile de repérer les obstacles qui nuisent à un bon suivi du traitement :

  • Oubli de prises (matin, midi, soir, heure précise)
  • Confusion entre plusieurs boîtes de médicaments
  • Difficulté de lecture : boîtes similaires, caractères petits
  • Manque d’anticipation des renouvellements
  • Difficultés motrices (ouvrir les boîtes, manipuler les pilules)
  • Absence de suivi lorsque plusieurs proches interviennent
  • Effets secondaires qui inquiètent et font hésiter à prendre le traitement

Chaque difficulté se solutionne : la clé est d’adapter la méthode à la situation de chacun.

Les outils concrets pour organiser sa prise de médicaments

Le pilulier : l’allié numéro un

Le pilulier est l’un des outils les plus plébiscités. Selon un sondage Ifop-Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (2022), environ 4 personnes sur 10 de plus de 70 ans en utilisent un régulièrement. Le pilulier se présente sous plusieurs formes :

  • Piluliers simples : compartiments pour chaque jour, parfois compartimentés matin/midi/soir/coucher.
  • Piluliers hebdomadaires : permettent de préparer les doses d’une semaine complète.
  • Piluliers électroniques : avec alarme intégrée, voire ouverture sécurisée pour éviter les erreurs.
  • Piluliers connectés : envoient une alerte sur le téléphone, préviennent un proche si la prise est oubliée (ex : Medissimo, Do-Pill®).

Préparer le pilulier chaque début de semaine (avec l’aide d’un proche ou d’un pharmacien si besoin) permet d’anticiper d’éventuels oublis de renouvellement. Le gain de sérénité est réel : lors d'une enquête menée en pharmacie, 70% des utilisateurs se disent moins anxieux à l’idée d’oublier un médicament depuis l’adoption d’un pilulier (source : Magazine “60 millions de consommateurs”, 2022).

Les aides-mémoire et plannings visuels

Une feuille de route visible à portée de main (proche du pilulier, sur le frigo, dans l’agenda...) aide à garder le cap :

  • Tableau des prises journalier (cases à cocher après chaque prise)
  • Agenda papier ou numérique avec rappels programmés
  • Post-it de couleur pour différencier les moments de la journée

Une étude menée par l’Inserm à Lyon en 2018 a montré qu’un planning accroché dans la cuisine réduit de 25% les oublis de prise chez des personnes seules.

Applications et systèmes de rappel

Avec la généralisation du smartphone, des applications gratuites existent : Medisafe, MemoMeds, ou encore le carnet de l’Assurance Maladie (« Mon espace santé »). Elles permettent de recevoir une alerte à l’heure précise de la prise, d’obtenir un suivi statistique (nombre d’oublis, nombre de prises), et de partager l’info avec un aidant ou soignant.

  • Pratiques, mais nécessitent d’être un minimum à l’aise avec la technologie
  • Confidentialité à vérifier (lire la politique de l’appli avant d’entrer ses données médicales)

Soutien du pharmacien : le PDA (Préparation de Doses à Administrer)

Pour des traitements complexes ou en cas d’erreurs fréquentes, de plus en plus d’officines proposent de préparer directement pour le patient des piluliers sécurisés pour une semaine (un service appelé « PDA »). Ce service, parfois remboursé partiellement selon le cas, est déjà proposé dans 40% des pharmacies en France en 2024 (source : Le Quotidien du Pharmacien). Il allège la gestion pour les familles et limite fortement le risque d’erreur. À demander à son pharmacien.

Automatiser et anticiper : astuces pour ne pas se tromper

Quelques conseils permettent de prévenir la plupart des erreurs et de faciliter le rangement des médicaments :

  • Choisir un lieu unique : Rangez tous vos traitements au même endroit, hors d’atteinte des enfants et à l’abri de la lumière et de l’humidité. Le dessus du frigo ou une armoire verrouillable sont de bons choix.
  • Éviter le stockage inutile : Ramenez chez le pharmacien tous les médicaments non utilisés ou périmés. Selon Cyclamed, près de 10 000 tonnes de médicaments non utilisés sont ramenées chaque année en officine.
  • Prévenir les déplacements : Si vous partez en week-end, anticipez avec pilulier compact ou sachets nominaux préparés.
  • Relier la prise de médicaments à un rituel : Par exemple : toujours avant le petit-déjeuner, ou au moment du 20h si vous prenez un traitement du soir. Cela inscrit le geste dans la routine.
  • Anticiper les renouvellements : Notez la date de fin de chaque boîte sur un calendrier, ou conservez la boîte vide comme repère jusqu’à renouvèlement.

Impliquer les proches et professionnels pour un suivi fiable

Personne n’est infaillible, et rien ne remplace l’entraide. Selon l’enquête nationale « Baromètre Aidants 2023 » (Fondation April), un aidant sur deux intervient dans l’organisation des médicaments au moins une fois par semaine. Quelques pistes pour bien articuler son rôle :

  • Partager la liste à jour des médicaments avec au moins un proche
  • Demander à un professionnel d’écrire les prescriptions en toutes lettres (éviter les abréviations)
  • En cas d’hospitalisation, conserver cette liste dans son sac ou portefeuille (format papier, clé USB, espace numérique « mon espace santé »)
  • Faire valider ses pratiques d’organisation lors du passage régulier de l’infirmier/infirmière

Dans certains territoires, il existe des ateliers « mémoire et autonomisation médicamenteuse », animés par des associations locales ou des réseaux de santé. Se renseigner auprès du CLIC (Centre Local d’Information et de Coordination) ou du CCAS de sa commune.

Focus sur les situations particulières

Certaines situations requièrent des aménagements spécifiques :

  • Troubles de la mémoire ou maladie d’Alzheimer : Privilégier un pilulier électronique avec alarme ou une supervision rapprochée par les proches. Un petit nombre de médicaments si possible, et des conditionnements lisibles avec pictogrammes (certaines pharmacies adaptent les étiquettes).
  • Personnes avec troubles de la vue : Coller une pastille tactile sur chaque boîte (ou chaque compartiment du pilulier) pour différencier les prises. Il existe aussi des piluliers braille.
  • Arthrose, difficulté de préhension : Choisir un pilulier à larges ouvertures, éviter les blisters trop rigides (demander si possible à la pharmacie des conditionnements adaptés ou des découpes spécifiques).
  • Multiples intervenants à domicile : Tenir un cahier de transmission ou un classeur accessible à tout professionnel/aidant, pour marquer chaque prise ou prescription modifiée.

Dans chaque cas, l’anticipation et le dialogue avec le médecin traitant et le pharmacien restent indispensables.

Réagir en cas d’oubli ou d’erreur

Tout le monde peut oublier ponctuellement un médicament ou se tromper. Selon la nature du médicament, la conduite à tenir diffère :

  1. Lire la notice ou feuille d’information.
  2. En cas de doute, ne pas doubler la dose sans avis médical : la plupart du temps, il faut simplement « sauter » la prise oubliée si l’heure est trop éloignée (source : VIDAL.fr).
  3. Contacter son médecin ou son pharmacien si plusieurs oublis répétés, ou si la molécule en question est « à marge thérapeutique étroite » (ex : anticoagulant, insuline, traitement cardiaque).
  4. Notez l’oubli sur votre planning pour mieux comprendre la situation lors de la consultation médicale.

L’essentiel est de ne pas culpabiliser et de mettre en place rapidement une organisation adaptée.

Pour aller plus loin : sources et ressources utiles

L’organisation comme clé d’un quotidien plus serein

S’organiser pour la prise de ses médicaments permet à la fois de limiter les erreurs, de réduire l’anxiété, et de préserver son autonomie le plus longtemps possible. Chaque solution, du simple pilulier au service en pharmacie ou à l’application mobile, doit être adaptée à sa propre situation et à ses préférences. Et surtout, il ne faut pas hésiter à demander conseil ou aide : professionnels et aidants sont là pour accompagner, pas pour juger. En s’appuyant sur des méthodes concrètes et des outils efficaces, la gestion des traitements redevient une routine sûre – et non une source d’inquiétude.

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