Pourquoi la coordination du suivi médical est devenue essentielle aujourd’hui ?

Avec l’allongement de l’espérance de vie (85,4 ans pour les femmes, 79,3 ans pour les hommes selon l’Insee, 2022), le recours à plusieurs spécialistes est de plus en plus courant, en particulier pour les personnes âgées ou atteintes de maladies chroniques. Une enquête menée par l’Assurance Maladie en 2021 note que près de 55 % des plus de 75 ans consultent au moins trois médecins différents chaque année (Ameli).

Bien qu’indispensable pour la prise en charge globale, ce parcours peut devenir source de confusion, d’oublis de traitements, de bilans redondants, voire d’erreurs médicales évitables. Selon la Haute Autorité de santé (HAS), plus d’une hospitalisation sur dix chez les seniors est liée à un problème de coordination ou d’information entre professionnels de santé (HAS).

Les risques d’un suivi non coordonné

  • Traitements qui se chevauchent ou interactions médicamenteuses : un médicament prescrit par un spécialiste peut interagir avec celui d’un autre (source : ANSM).
  • Oubli de transmission des résultats d’examens entre professionnels.
  • Examens réalisés en double (parfois inutiles, parfois coûteux ou pénibles pour la personne).
  • Perte de repères pour le patient ou ses proches, qui ne savent plus vers qui se tourner en cas de question ou d'urgence.

La bonne nouvelle : des solutions existent pour éviter ces écueils et mettre en place une vraie coordination.

Le rôle majeur du médecin traitant dans la coordination

En France, le médecin traitant joue un rôle de chef d’orchestre du parcours de soins. Ce professionnel est officiellement reconnu comme référent santé (Ministère de la Santé). Il doit :

  • Centraliser les informations médicales, analyser l’ensemble des données reçues, assurer la cohérence des traitements.
  • Constituer le dossier médical partagé (DMP), où sont enregistrées les prescriptions et les comptes rendus.
  • Guider le patient vers les autres spécialistes, synchroniser les prises de rendez-vous et prévenir les risques liés à la multiplication des intervenants.
  • Informer le patient et son entourage sur la nature de chaque démarche médicale.

Selon la même étude de l’Assurance Maladie, 87 % des patients se sentent plus rassurés quand leur médecin traitant pilote les différents rendez-vous et interventions.

Comment préparer et organiser concrètement ce suivi coordonné ?

1. Préparer les rendez-vous médicaux

  • Avant toute consultation, faire le point à l’écrit sur les questions à poser, les nouveaux symptômes, les traitements en cours (y compris automédication ou traitements non prescrits par un médecin).
  • Apporter systématiquement un double des examens récents ou des ordonnances lors de chaque rendez-vous.

2. Tenir à jour un dossier santé personnel

Il peut s’agir d’un simple classeur papier ou d’un dossier médical partagé (DMP) numérique, accessible en ligne via Mon espace santé. Ce dossier doit contenir :

  • Liste complète des médicaments (avec posologie et horaires de prise).
  • Dernières analyses, radios, ECG, avis spécialisés.
  • Relevé des allergies connues.
  • Historique des interventions chirurgicales ou hospitalisations.

3. Assurer la transmission d’informations

  • Demander un compte rendu écrit à chaque médecin après une consultation ou un examen, que ce soit sous format papier ou dématérialisé.
  • Vérifier que chacun des spécialistes adresse bien au médecin traitant les résumés de leurs interventions.
  • En cas de difficulté, ne pas hésiter à relancer un professionnel pour obtenir les documents nécessaires.

4. Privilégier des outils de coordination

Depuis 2021, Mon espace santé permet à tous les assurés de stocker et de partager leurs documents médicaux. Sur simple accord, le médecin traitant et les spécialistes y déposent :

  • Ordonnances, résultats d’examens, comptes rendus hospitaliers.
  • Courriers entre professionnels de santé.

C’est simple à activer, entièrement gratuit et sécurisé. Plus de 10 millions de DMP ont déjà été ouverts (source : Assurance Maladie, 2023).

Encourager la communication entre spécialistes : un enjeu d’avenir

La communication inter-professionnelle reste l’une des clefs d’une prise en charge de qualité. Différentes solutions existent :

  • Réseaux de santé gériatriques dans les territoires (par exemple dans l’Ain, le Réseau Gériatrique Ain/Dombes), qui favorisent les réunions de concertation entre médecins, infirmiers, kiné, etc.
  • Staffs pluridisciplinaires des hôpitaux pour les situations complexes, où chaque spécialiste donne son avis devant le patient ou ses proches.
  • Coordonnateurs de parcours de santé : c’est un rôle émergent confié à une infirmière ou un professionnel dédié, chargé de « faire le lien » entre ville et hôpital (voir, par exemple, le dispositif « Paerpa » piloté par l’ARS).

À savoir : dans certains cas, quand la personne est en situation de handicap ou de perte d’autonomie, le recours à un « plan personnalisé de santé » (PPS) est proposé, notamment dans le cadre de la loi d’adaptation de la société au vieillissement (Legifrance).

Quels droits pour les patients et leurs aidants dans le suivi coordonné ?

Être informé, participer aux décisions, pouvoir consulter et faire rectifier son dossier médical sont des droits reconnus par la loi (articles L1111-7 et L1111-2 du Code de la Santé Publique).

  • Droit d’accès à son dossier médical : le patient, ou son représentant légal, peut en demander une copie à tout moment (à l’hôpital ou chez le spécialiste).
  • Droit de décider : tout patient peut demander un deuxième avis, refuser un traitement, ou choisir le professionnel de son choix.
  • Droit à l’accompagnement : la présence d’un proche lors des rendez-vous médicaux est possible. En situation de dépendance, l’aidant peut aussi gérer le DMP avec l’accord de la personne.

Conseils pratiques pour éviter de se sentir perdu dans le parcours de soins

  1. Établir une « feuille de route santé » : recenser les rendez-vous à venir, les questions à poser, les suivis à effectuer (calendrier papier ou application sur smartphone).
  2. S’entourer de proches ou d’un aidant référent, pour recueillir, trier et archiver les informations, accompagner le senior dans ses démarches.
  3. Formaliser les demandes : remettre systématiquement un exemplaire des courriers ou des résultats à chaque professionnel concerné.
  4. Prendre l’habitude de vérifier les traitements prescrits lors de chaque consultation, pour éviter les doublons ou les incompatibilités.
  5. S’appuyer sur les dispositifs locaux d’appui à la coordination : Maison des Aidants, plateforme territoriale d’appui (PTA), réseau gérontologique…

À noter : 20 % des décès évitables seraient liés à une mauvaise coordination des soins chez les personnes âgées (HAS, 2023).

Anecdotes et retours d’expérience : quand la coordination change la vie

Un témoignage recueilli lors de la Semaine Bleue à Lyon : « Ma mère, diabétique et cardiaque, voyait deux spécialistes distincts. Quand la cardiologue a changé un médicament, l’endocrino l’ignorait : une fatigue intense est apparue, heureusement le médecin traitant a fait le lien en croisant les ordonnances. Désormais, tout est partagé sur son DMP, et les échanges sont fluides. On dort mieux la nuit ! »

Plusieurs études montrent que, depuis l’installation de dispositifs comme « Mon Espace Santé », les patients expriment un sentiment de sécurité et de compréhension accru dans leur parcours (source : France Assos Santé).

Quelques ressources utiles pour aller plus loin

Perspectives et enjeux pour les années à venir

Avec l’évolution des outils numériques et le développement de l’intelligence artificielle dans la médecine, la coordination du suivi médical a vocation à devenir de plus en plus simple et efficace. Mais l’humain reste au centre : rien ne remplace une relation de confiance, la vigilance commune des professionnels et des proches, et le droit d’être acteur de ses soins.

La clef d’un suivi réussi : rester informé, organisé, et ne jamais hésiter à demander conseil – il existe toujours une solution pour améliorer la communication entre spécialistes et simplifier la vie des patients et des aidants.

En savoir plus à ce sujet :