Pourquoi faire le point sur ses prescriptions n’est jamais anodin

Le temps passe, la vie évolue… et notre corps aussi. Avec l’âge, il est fréquent d’accumuler plusieurs traitements pour divers maux du quotidien : tension artérielle, diabète, cholestérol, douleurs articulaires, troubles du sommeil… Plus des deux tiers des personnes de plus de 65 ans prennent ainsi au moins cinq médicaments différents chaque jour (source : Assurance Maladie). Mais nos besoins changent, et ce qui était adapté il y a quelques années ou quelques mois ne l’est pas forcément aujourd’hui.

Faire régulièrement un point avec son médecin sur l’ensemble de ses prescriptions, c’est une étape clé pour assurer la sécurité, l’efficacité, et surtout la justesse de ses traitements. Cela permet de prévenir bien des problèmes, y compris les effets indésirables et les hospitalisations évitables.

  • La polymédication concerne 50% des plus de 75 ans en France (source : Ministère de la Santé).
  • 15 à 30% des hospitalisations des seniors sont liées à des effets secondaires de médicaments (INSERM).
  • Nombreux traitements sont débutés en aigu, mais ne sont jamais réévalués ou allégés ensuite (étude REALI® 2018).

Qu’est-ce qu’un point sur les prescriptions ?

Un “point” sur les prescriptions, c’est un moment d’échange dédié, où l’on dresse, en lien avec le médecin, la liste de tous les médicaments, compléments alimentaires, automédications et même les traitements non médicamenteux (comme les patchs, pommades…). L’objectif est de vérifier que chaque traitement est :

  • toujours justifié par une situation médicale actuelle,
  • pris correctement,
  • dépourvu d’effets indésirables non tolérés,
  • compatible avec les autres traitements (médicaments, plantes…),
  • adapté à l’état de santé et à l’âge.

Un entretien de reconcilation médicamenteuse, tel que préconisé par la Haute Autorité de Santé, permet d’optimiser et d’ajuster les traitements, parfois d’en supprimer ou d’en remplacer certains (HAS).

Pourquoi nos besoins changent-ils avec le temps ?

Le corps humain modifie sa façon d’assimiler et d’éliminer les médicaments en vieillissant. Le foie et les reins travaillent différemment après 60 ou 70 ans : un même dosage peut devenir inadapté, soit inefficace, soit au contraire risqué. De plus, l’apparition ou la disparition de certaines maladies, ou encore l’évolution de nos priorités de vie, demandent d’ajuster nos prescriptions.

  • Par exemple, un somnifère peut s’avérer utile sur une courte période, mais augmenter le risque de chutes ou de troubles de mémoire sur la durée (ANSM).
  • De nombreuses études ont montré que les anticholinergiques (certains médicaments pour la vessie ou les allergies) sont liés à une augmentation du risque de confusion chez les seniors (The Lancet, 2022).

Au-delà de l’aspect physique, certains objectifs thérapeutiques évoluent : mieux vaut privilégier la qualité de vie, le confort, et éviter ce qui pourrait gêner l’autonomie quotidienne.

Ce que l’on risque à ne pas revoir régulièrement ses traitements

Entre les consultations médicales espacées, les interventions de divers spécialistes, et l’automédication (un comprimé contre la douleur par-ci, une tisane calmante par-là…), le risque principal est celui de la mauvaise combinaison ou de la redondance médicamenteuse. Cela peut entraîner :

  • Des interactions dangereuses : Certains médicaments annulent les effets d’autres ou, au contraire, renforcent les risques d’effets secondaires sérieux.
  • Des doubles emplois : Prendre deux molécules différentes pour la même indication.
  • Des dosages inexacts : Plusieurs prescriptions du même médicament, délivrées par différents médecins, peuvent provoquer un surdosage.
  • Des effets indésirables : Fatigue, troubles digestifs, confusion, chutes, baisse des capacités physiques ou cognitives…

Selon une enquête menée en 2021 par l’Ordre National des Pharmaciens, 54% des accidents médicamenteux ont pu être liés à un défaut de coordination ou d’actualisation des prescriptions.

Les bénéfices concrets d’un point de suivi avec son médecin

Prendre le temps de revoir ses prescriptions, ce n’est pas une démarche réservée à ceux qui se sentent malades. C’est un réflexe de prévention, qui offre de vrais avantages à court comme à long terme :

  • Limiter les risques de chute et de malaise : Les chutes représentent la première cause d’accident chez les plus de 65 ans, et certains médicaments multiplient ce risque par deux (source : Santé Publique France).
  • Réduire la fatigue et préserver sa mémoire : De nombreux médicaments “inutiles” peuvent fatiguer, alourdir l’esprit ou désorienter, alors que leur arrêt ou leur adaptation les font disparaître.
  • Favoriser l’autonomie au quotidien : Des traitements mieux adaptés évitent les séjours non prévus à l’hôpital et réduisent les risques de dépendance.
  • Simplifier la prise de médicaments : Retirer les ordonnances inutiles facilite l’organisation, et limite les erreurs de prise.
  • Améliorer la qualité de vie : Moins d’effets secondaires et de contraintes, c’est plus de liberté au quotidien.

Une étude menée par la revue Prescrire en 2022 met en avant que, dans 30% des réévaluations de traitement, au moins un médicament a pu être arrêté sans aucune conséquence négative, rendant la vie plus légère pour le patient.

Comment se préparer à un rendez-vous de révision des prescriptions ?

Un rendez-vous de réévaluation médicamenteuse peut se préparer afin d’en tirer tous les bénéfices. Voici quelques conseils pour que ce moment soit efficace :

  1. Lister tous les traitements : Pensez à noter, ou à réunir, tous les médicaments pris régulièrement ou occasionnellement, y compris ceux achetés sans ordonnance ou les compléments alimentaires.
  2. Noter les effets ressentis : Fatigue, troubles digestifs, sommeil difficile, chute, perte d’appétit… Mettez en avant ce qui a changé depuis les derniers mois.
  3. Préparer ses questions : Ne pas hésiter à demander : “Ce médicament est-il encore indispensable ? Peut-on alléger ma prise quotidienne ?”
  4. Si possible, venir accompagné(e) : Avoir un proche avec soi permet de ne rien oublier et de faciliter l’échange avec le médecin.
  5. Prendre notes pendant le rendez-vous : Pour retenir les adaptations proposées ou les informations pratiques données.

Le dossier médical partagé (DMP), lorsqu’il est à jour, permet aussi au médecin généraliste ou spécialiste de croiser l’ensemble des données facilement (Ameli.fr).

Quel rythme adopter pour ce bilan ?

Il n’existe pas de règle unique. Pour la plupart des personnes âgées, les recommandations suggèrent de faire le point au moins une fois par an, et à chaque changement important (nouvelle maladie, hospitalisation, nouveau traitement…). Pour les personnes prenant plus de cinq médicaments, un point tous les six mois reste préférable (source : Société Française de Gériatrie et Gérontologie).

Beaucoup de pharmacies proposent des entretiens de bilan partagé de médication pour les personnes polymédiquées (assurées sociales âgées de 65 ans et plus). Ce service gratuit, réalisé en lien avec votre médecin, favorise une réelle coordination des prescriptions.

Les traitements non médicamenteux ont aussi leur place

Prendre soin de ses traitements ne s’arrête pas aux médicaments. Les professionnels de santé recommandent souvent d’associer ou d’adapter certaines prescriptions non médicamenteuses (kinésithérapie, activité physique adaptée, suivi psychologique…). Faire le point permet aussi d’aborder ce que l’on peut mettre en place pour améliorer son quotidien sans systématiquement ajouter un nouveau comprimé.

  • L’activité physique : parfois aussi efficace que certains traitements médicamenteux pour réduire la tension ou conserver sa mobilité (Inserm – Activité physique et santé chez les seniors, 2020).
  • Le suivi nutritionnel : un rééquilibrage alimentaire permet de diminuer certains traitements pour la glycémie ou le cholestérol (PNNS).

À retenir pour une vie plus sereine avec ses traitements

Faire régulièrement un point sur ses prescriptions, c’est prendre une part active à sa santé, refuser l’accumulation ou la routine médicamenteuse, et privilégier la qualité de vie, tout simplement.

Les études, que ce soit en France ou à l’international, s’accordent sur un fait : la coordination de la prise de médicaments et l’ajustement périodique des traitements est l’un des leviers majeurs du bien vieillir autonome. Ce dialogue régulier avec son médecin, et avec son pharmacien, apporte souvent bien plus qu’une simple ordonnance : il réduit les risques, simplifie le quotidien et favorise une approche personnalisée, respectueuse de chaque histoire de santé.

Et si lors de votre prochain rendez-vous, vous posiez la question : “Pourrions-nous faire ensemble le point sur mes traitements ?” Cela ne prend que quelques minutes… et c’est souvent ce petit temps-là qui fait toute la différence.

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