Pourquoi parle-t-on autant des jeux de mémoire après 60 ans ?

Au fil des années, il arrive que notre mémoire nous joue des tours. Le phénomène est courant après 60 ans, un âge où l’on commence souvent à s’interroger sur l’entretien de ses capacités cognitives. D’ailleurs, selon une étude publiée par l’Inserm, 30 % des plus de 60 ans se disent inquiets à l’idée de « perdre la mémoire » (Inserm, 2021). Face à cette préoccupation grandissante, les jeux de mémoire, qu’il s’agisse de mots croisés, de sudoku, ou encore d’applications spécialisées, se sont installés dans le paysage des loisirs seniors.

Mais ces jeux sont-ils vraiment efficaces pour garder l’esprit vif ? Faut-il en faire régulièrement ? Peuvent-ils vraiment protéger contre la perte de mémoire ou les maladies neurodégénératives comme Alzheimer ?

Que se passe-t-il dans notre cerveau en vieillissant ?

Avant de se pencher sur l’intérêt des jeux de mémoire, il est important de comprendre ce qui évolue dans le cerveau après 60 ans. Plusieurs changements naturels sont observés :

  • Diminution légère de certaines performances cognitives : la vitesse de traitement de l’information ralentit avec l’âge, de même que la capacité d’attention.
  • Ressources mémorielles : la mémoire de travail (celle qui aide à retenir une information à court terme, comme un numéro de téléphone) peut décliner, alors que la mémoire à long terme (souvenirs anciens) reste plus stable chez la plupart des personnes.
  • Plasticité cérébrale : contrairement à une idée reçue, le cerveau garde toute sa vie une capacité à créer de nouvelles connexions, surtout si on le stimule régulièrement. (Source : Fédération pour la Recherche sur le Cerveau)

Ces processus sont naturels et n’indiquent pas forcément une maladie. Mais ils montrent l’importance d’entretenir ses capacités cognitives pour rester autonome et confiant dans son quotidien.

Les jeux de mémoire : que dit la science ?

Depuis une vingtaine d’années, les jeux de stimulation cérébrale connaissent un véritable engouement. Mais selon plusieurs recherches, leur efficacité dépend de nombreux facteurs.

Un effet avéré… mais avec nuances

  • Légère amélioration des fonctions sollicitées : Selon un rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm, 2021), la pratique régulière de jeux de mémoire améliore bien les capacités directement entraînées (par exemple, la mémoire des mots avec des mots croisés). Mais cette amélioration reste souvent limitée au type de jeu pratiqué. Les chercheurs parlent d’« effet de transfert limité ».
  • Pas de preuve de prévention contre les maladies neurodégénératives : A ce jour, aucune étude n’a clairement montré que ces jeux peuvent freiner, à eux seuls, l’apparition d’une maladie comme Alzheimer. En revanche, ils peuvent contribuer à retarder l’impact fonctionnel des troubles, en maintenant une réserve cognitive plus élevée. (Source : Fondation Vaincre Alzheimer)
  • Bénéfices sur le bien-être psychologique : Outre l’aspect cognitif, ces jeux apportent souvent du plaisir, de la confiance en soi et une sensation de maîtrise sur ses capacités. Selon une enquête menée par Silvereco.fr, 73 % des seniors pratiquant des jeux de mémoire disent se sentir « plus alertes » après une séance ludique.

Chiffres clés

  • Dans une étude de l’Université du Michigan (2019), des adultes de plus de 65 ans ayant fait des exercices cérébraux numériques ont vu leur mémoire de travail s’améliorer de 14 % en moyenne… mais aucune différence significative n’a été observée sur leurs activités quotidiennes complexes.
  • 85 % des seniors pensent que les jeux de mémoire sont « incontournables » pour stimuler le cerveau, selon une enquête Ipsos (2020), mais moins de la moitié les pratiquent régulièrement (au moins une fois par semaine).

Quels jeux privilégier après 60 ans ?

Pour profiter des bénéfices des jeux de mémoire, il est important de varier les plaisirs et de choisir des activités adaptées à son niveau et ses envies :

  • Mots croisés et mots fléchés : excellents pour travailler la mémoire sémantique (mots, connaissances générales).
  • Sudoku et casse-têtes logiques : sollicitent la logique et l’attention, tout en développant la flexibilité cognitive.
  • Jeux de cartes (belote, rami, solitaire) : favorable pour la mémoire de travail, la concentration, et parfois même les fonctions sociales.
  • Applications et logiciels spécialisés : Gerip, HappyNeuron, ou Lumosity proposent des exercices ciblés ; attention toutefois à leur usage commercial, car leur efficacité réelle reste modérée selon la Haute Autorité de Santé (HAS).
  • Jeux en groupe : Trivial Pursuit, memory ou même certains jeux de société sollicitent à la fois la mémoire, la rapidité et les interactions sociales.

L’idéal est d’intégrer ces jeux dans ses routines, sans pression ni impératif de « performance ». L’important n’est pas tant le score que le plaisir de l’exercice régulier.

Où les jeux cognitifs trouvent-ils leur limite ?

Si les jeux de mémoire sont un outil intéressant, les experts insistent sur un point : il n’existe pas de formule magique contre le vieillissement cérébral. Se concentrer uniquement sur la stimulation mentale n’est suffisant ni pour protéger la mémoire sur le long terme, ni pour ralentir certaines maladies.

  • Transfert limité : S’améliorer aux mots fléchés ne garantit pas une meilleure mémoire pour les courses ou les rendez-vous, même si un entraînement régulier entretient l’agilité générale de l’esprit (Institut du Cerveau, 2022).
  • Risques de lassitude : Pratiquer toujours le même type de jeu peut lasser et réduire le plaisir, ce qui rend la pratique moins durable dans le temps.
  • Ne pas négliger les autres dimensions : De nombreuses études (Notamment l’étude FINGER menée en Finlande) montrent que l’activité physique, l’alimentation équilibrée, le sommeil et le lien social sont tout aussi essentiels – sinon plus – pour préserver le cerveau.

Les autres facteurs essentiels pour entretenir sa mémoire

La Fédération pour la Recherche sur le Cerveau et la Fondation Alzheimer partagent des recommandations autour de plusieurs piliers complémentaires :

  • Bouger au quotidien : 30 minutes de marche par jour contribuent à une meilleure oxygénation du cerveau et à la création de nouvelles synapses.
  • Entretenir le lien social : Discuter, jouer en groupe ou même téléphoner à ses proches stimule plusieurs zones du cerveau, diminue les risques de dépression (associée à une baisse de la mémoire).
  • Manger équilibré : Un apport régulier en oméga 3, en fruits et légumes protège les neurones.
  • Apprendre de nouvelles choses : S’inscrire à des ateliers, découvrir une langue ou apprendre à jouer d’un instrument aurait des bénéfices supérieurs aux jeux seuls, car cela stimule globalement la plasticité cérébrale (source : Programme MAPT, Toulouse).
  • Faire attention à la qualité du sommeil : Le sommeil joue un rôle clé dans la mémorisation à long terme et la consolidation des souvenirs.

Conseils pratiques pour intégrer les jeux de mémoire à son quotidien

  1. S’accorder un moment ludique régulier : Plutôt que d’imposer de longues séances, mieux vaut consacrer 10 à 20 minutes par jour à un jeu choisi avec envie.
  2. Varier les activités : Alternez jeux de lettres, de chiffres, de logique, mais aussi quiz et discussions en famille.
  3. Lier l’utile à l’agréable : Préparer une liste de course de mémoire, mémoriser des itinéraires ou s’entraîner à retenir un numéro de téléphone.
  4. Se fixer des petits défis personnels : Par exemple, apprendre cinq nouveaux mots par semaine ou mémoriser une courte poésie.
  5. Préserver le plaisir : La clé d’une stimulation efficace, c’est la régularité et le plaisir, bien plus que la recherche de performance à tout prix.

Zoom sur l’innovation : les ateliers mémoire locaux

Dans le Bugey et la Côtière, de plus en plus d’associations, centres sociaux et maisons de retraite proposent des ateliers mémoire collectifs. Leur succès tient à leur dimension conviviale et à l’accompagnement personnalisé.

  • Selon une enquête menée dans l’Ain en 2023, 68 % des seniors ayant participé à un atelier en groupe ont repris confiance dans leur mémoire et sont plus à l’aise dans leur quotidien.
  • De nombreuses structures adaptent les exercices en fonction du niveau de chacun, ce qui les rend accessibles même aux débutants.

Pour localiser un atelier près de chez soi, il est possible de se tourner vers son CCAS, les Points d’information locaux ou de consulter les sites associatifs du département.

Ce qu’il faut retenir des jeux de mémoire après 60 ans

Si les jeux de mémoire ne sont pas une solution miracle, ils participent à préserver une certaine vivacité de l’esprit pour chaque senior qui les pratique avec plaisir. Leur atout premier, c’est de stimuler la concentration, d’entretenir sa curiosité, et de nourrir la confiance en soi. Cependant, ils s’intègrent dans une démarche plus globale : rester actif, entretenir ses passions, maintenir un lien social fort et se faire plaisir au quotidien.

Le but n’est pas de s’imposer des exercices fastidieux, mais de cultiver chaque jour un petit rendez-vous avec sa mémoire, en multipliant les occasions d’apprendre, de bouger et de partager.

Pour aller plus loin : - Inserm : Dossier mémoire et cerveau - Fondation Alzheimer : fondation-alzheimer.org - Programme FINGER (étude européenne sur la prévention du déclin cognitif).

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