
Le collège Marcel Aymé à Dagneux était “mort” fin avril. Une façon pour les enseignants d’exprimer un ras-le-bol face à des effectifs toujours plus chargés dans les classes, malgré les annonces gouvernementales.
eudi 27 avril, aucun cours n’était assuré au collège Marcel Aymé de Dagneux. Une première de mémoire d’enseignants, certains ayant près de deux décennies d’ancienneté dans l’établissement.
En cause : les effectifs toujours plus chargés dans les classes et le “refus de continuer de rogner toujours plus sur la qualité des apprentissages.” Concrètement, pour la rentrée prochaine, Marcel Aymé devrait accueillir 25 élèves supplémentaires. Mais une classe va devoir être fermée, en raison de la répartition des moyens alloués par l’Éducation Nationale. Ce qui conduira, pour les niveaux de 5ème et de 3ème, à 29, 30, voire 31 élèves par division.
Des revendications soutenues par les parents d’élèves
Ce n’est plus acceptable pour les enseignants, qui se sont mis en grève, et les parents d’élèves élus, qui soutiennent les revendications.
“Nous sommes inquiets pour la scolarité, la sécurité et la réussite des élèves. Les conditions d’accueil et d’apprentissage se dégradent : impact négatif sur le suivi des élèves, taux d’encadrement en baisse, gestion en vie scolaire de plus en plus difficile, salles qui ne peuvent plus accueillir de tels effectifs…” Thibault Pourhadi, délégué syndical SNES FSU, explicite : “Le suivi au quotidien est particulièrement important et ne peut pas être assuré correctement avec des tels effectifs. La qualité de l’enseignement se dégrade, les résultats aux épreuves du brevet ne sont pas terribles…” Un autre enseignant décrit les conséquences de l’augmentation des effectifs : “Je passe déjà les week-ends et les soirées à corriger les copies. Une hausse des effectifs, ce sont plus de copies à corriger… je ne pourrais pas être disponible pour d’autres choses.” Celui-ci fait allusion aux annonces concernant le “pacte” proposé par le gouvernement, pour les enseignants qui accepteraient des taches supplémentaires, rémunérées.
La journée de grève du 27 avril sera la seule à Dagneux pour ce motif. D’autres formes d’actions sont envisagées si la mobilisation ne paie pas. Déjà, une motion a été votée par le conseil d’administration du collège en février, une audience a été obtenue auprès de la direction académique de l’Ain, le 17 mai. Une pétition est en ligne sur change.org et avait recueilli 460 signatures au 1er mai et les parents sont invités à écrire directement à la directrice académique.
Une mobilisation scrutée dans le reste du département
L’action dagnarde est particulièrement scrutée, car dans l’Ain, comme dans le reste de l’Académie, les classes à 30 sont une réalité dans bon nombre de collèges et la fronde gronde. Sur la Côtière notamment, à Meximieux et Montluel, les effectifs sont tout aussi chargés. Au début de l’année 2023, le rectorat faisait parvenir un dossier de presse fixant vantant les moyens alloués dans le second degré. Ceux-ci devaient “permettre de poursuivre, dans les collèges le maintien des seuils […] 30 élèves par division hors éducation prioritaire.” Or, dans les secteurs en forte tension démographique, des classes sont déjà annoncées à 31 élèves pour septembre… “Des effectifs surchargés, c’est de la tension pour les élèves, pour les enseignants, il n’y a plus de pédagogie différenciée, parfois il n’y a même pas la place physiquement dans les salles” décrit Philippe Mallet, secrétaire département du SNES.
L’Éducation Nationale a également promis des mesures d’accompagnement pour les 6èmes, avec l’obligation d’assister au dispositif devoirs faits. Cela nécessite des professeurs volontaires. S’ils ne sont pas assez nombreux, les autres niveaux pourraient se voir priver de l’accès à ce dispositif… Des volontaires, il en faudra aussi pour assurer les remplacements de courte durée, comme souhaité par le Président de la République en personne. Force est de constater que sur le terrain, la motivation et l’envie n’y sont pas. “Dans certains établissements, ce n’est plus possible. Une dizaine va voir la situation s’aggraver” estime Philippe Mallet. “On est systématiquement à la limite au niveau du nombre d’élèves. Le nombre d’AED (assistants d’éducation) diminue ces dernières années, alors que le nombre d’élèves augmente. Les remplacements annoncés en début d’année scolaire 2022 n’ont tenu qu’une semaine… Ensuite, c’est revenu comme avant. Pour l’instant, le ministère essaie de faire passer son pacte pour une rémunération qui va obliger à faire des remplacements. Combien vont signer pour un remplacement à l’aveugle sans aucun but pédagogique ? Si on avait du personnel suffisant, ce serait plus simple.”
Pour les chefs d’établissement, le tableau n’est pas si noir. Concernant les volontaires pour assurer les promesses gouvernementales, Sylvie Jouhanin, secrétaire départementale du SNDPEN-UNSA, affirme : “Ce n’est pas simple, mais il n’y a pas de blocage complet. Des volontaires, il y en a toujours au sein des équipes. C’est variable d’un établissement à l’autre. Nous sommes encore en train de construire les choses.” Concernant les effectifs dans les classes, elle estime qu’ils “étaient les mêmes l’année dernière. Il n’y a pas de dégradation d’une manière générale”. Elle se montre tout de même réaliste : “Si les seuils sont dépassés, il n’y a pas d’ouverture automatique. Mais chaque année, entre les prévisions et juin/juillet, il y a des phases d’ajustement.”
C.B.
Contacté, le rectorat n’a pas donné suite à nos demandes.