Le CES de Las Vegas est le salon mondial de l’innovation technologique. Pour son édition 2023, parmi les centaines de produits présentés, l’un d’entre eux s’est particulièrement démarqué : le robot chargeur inductif développé par EFI pourrait bien représenter une évolution majeure pour la charge des véhicules électriques et un virage essentiel pour l’entreprise qui compte 700 salariés à Beynost et près de 1.900 dans le monde.
Un petit robot s’avance sous le véhicule, une plaque s’élève et c’est parti : sans intervention humaine, la voiture se recharge, juste comme elle en a besoin. Cette révolution dans le monde de l’automobile, l’entreprise EFI, basée à Beynost, l’a présentée au CES* de Las Vegas, le rendez-vous mondial de l’innovation. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce premier “robot chargeur pour véhicules électriques” a fait sensation. Carlos Tavares en personne, directeur général de Stellantis, a mis en avant ce bijou de technologie né dans l’Ain.
Tout a commencé par une idée lancée entre l’équipementier aindinois et le groupe automobile mondial regroupant quinze marques françaises, italiennes et américaines, parmi lesquelles Peugeot, Citroën, Opel, Alfa Romeo, Jeep, Fiat, Maserati ou encore Ram : Ne pourrait-on pas utiliser la technologie de l’induction pour faire de la recharge pour les voitures électriques ? L’induction a la particularité de permettre une recharge sans contact, par la mise en présence de deux plaques inductives sans fil. Pour ce faire, un robot automatique est imaginé, pour apporter une “tranquillité d’esprit” à l’utilisateur, une meilleure durée de vie de la batterie et la possibilité de charger plusieurs véhicules à la suite.
Un produit 100 % local
Cinq années de travail et de collaboration ont été nécessaires pour voir naître les premiers démonstrateurs présentés au public. Ainsi, Axandus, accélérateur de start-ups et créateur de “démonstrateur” et de “preuves de concept” issu du pôle innovation du groupe EFI a œuvré avec Akeoplus, filiale basée à Château-Gaillard rachetée en 2021, qui a conçu le système de localisation du robot. Magtech, un bureau d’études spécialiste de l’induction de Gleizé dans le Rhône, a signé un contrat de partenariat exclusif avec EFI. La French Poc de Miribel a aidé à monter les robots. Ces structures locales, installées au maximum à 40 km à la ronde, représentent une dizaine de personnes avec des savoir-faire variés, qui sont entrées en synergie pour créer ce robot. “C’est un produit que l’on n’aurait pas fait tout seul”, résume Jean-Baptiste Yvon, vice-président d’EFI. “Dans l’économie actuelle, le partenariat est clé.” […] “Pour EFI, c’est une super-transition. Tous les produits que l’on faisait jusqu’à maintenant ne se voyaient pas. Il s’agissait de capteurs, d’actionneurs, cachés dans les moteurs, les boîtes de vitesse… Là, c’est la première fois que l’on fait une innovation que l’utilisateur final comprend.” Une innovation soutenue par Stellantis, qui possède des co-brevets et qui souhaite installer cette solution en série sur ses gammes de véhicules. En outre, EFI sera également libre de la vendre à d’autres constructeurs, après une exclusivité de six mois. Les Américains ont été particulièrement séduits par cet objet. À la fois les particuliers concernés par des coupures d’électricité régulières, qui trouvent là l’opportunité de s’adapter aux contraintes d’un réseau aléatoire, et les professionnels, tels que les garagistes, qui n’auront plus le souci de charger les véhicules électriques en démonstration ou en vente pour les clients. C’est donc un marché potentiel énorme qui s’ouvre, où tout n’est pas encore gagné : “La clé, c’est de mettre le produit sur le marché en premier. On est en train de courir, de se structurer pour aller vite et ne pas perdre de temps. L’avantage d’une société comme EFI, c’est d’être agile et flexible.”
Si le CES de Las Vegas a donné un sérieux “coup de boost” au projet, il n’en est qu’à ses débuts. Le démonstrateur – qui ne possède pas toutes les fonctionnalités – doit devenir un produit fini, qui rencontrera son marché dès sa commercialisation. Trouver les bonnes cibles, faire un produit fiable, robuste et économique : voilà la mission d’un plateau en cours de création à Beynost, dirigé par Jean-Baptiste Yvon, avec des ingénieurs dédiés à 100 %. D’ici juin, le premier prototype fonctionnel devrait être opérationnel pour, à la fin de l’année, “commencer à envisager une mise sur le marché”. Dès que les premières commandes seront validées, une année et une quarantaine de personnes seront nécessaires pour l’industrialisation de la fabrication, à l’horizon 2025. Le site de la Côtière devrait accueillir une bonne partie de la production du robot-chargeur. L’autre partie serait fabriquée dans l’usine d’EFI aux États-Unis, un pays qui constituerait la moitié du marché, au côté du marché européen.
“Le chiffre d’affaires va presque doubler
dans les années qui viennent au niveau du groupe”
Le succès de son robot chargeur pourrait bien être le relais de croissance majeur attendu par EFI, pour une transition anticipée depuis dix ans déjà. Ce sous-traitant automobile a pris un virage serré pour devenir fournisseur de solutions de mobilité durable, proposant des systèmes complets à valeur ajoutée. L’entreprise a su s’en donner les moyens, avec la mise en place de plateformes dédiées depuis quatre ans : Greenshift travaille sur les actionneurs pour transmission électrifiée, Digipos sur les capteurs qui mesurent la position des moteurs électriques et EFIPower développe des modules de puissance pour véhicules électriques. Si ces pièces apparaissent moins “sexys” pour le grand public que le robot chargeur, leurs fonctions sont essentielles pour les véhicules de demain, notamment en terme de sécurité. “Ces plateformes déjà en place ont des potentiels énormes. Notre dernier business plan laisse apparaître une croissance importante. Le chiffre d’affaires va presque doubler dans les années qui viennent au niveau du groupe. On n’a aucun souci par rapport à l’arrêt du diesel, parce qu’on a su anticiper. Nous avons structuré le développement de l’entreprise pour coller au marché et développer des produits qui répondent à toute cette transformation.” Mécanique, électrique, électronique, soft… tous ces champs de compétence sont représentés chez EFI, ce qui lui apporte une agilité fondamentale dans l’industrie d’aujourd’hui. À minima, la croissance permettra de stabiliser les emplois actuels, voire d’embaucher. EFI recherche toujours des ingénieurs qualifiés, en électronique, mécatronique, software, dans le but de pouvoir créer des emplois de production. Une production qui sera robotisée, digitale, intelligente… avec des métiers liés à la conduite de ligne, l’assemblage, les automatismes, la maintenance… Des emplois pour des opérateurs moins qualifiés pourront ensuite suivre. “Par les projets que l’on apporte, nous devons arriver à stabiliser les personnels. Aujourd’hui, nous signons beaucoup plus de CDI qu’il y a un an. L’entreprise se renforce pour garder ses talents et en faire venir de nouveaux. Pour attirer ces talents, il faut des produits à la mode, qui intéressent les ingénieurs, les techniciens, qui trouvent leur marché… L’écologie est également essentielle. Nous devons apporter ces valeurs. C’est le seul moyen d’attirer les jeunes. Ils ont envie de pouvoir dire à leurs copains : je travaille chez eux et c’est bien ce qu’ils font. Notre rôle c’est qu’ils soient fier de leur entreprise.” Et cette entreprise familiale, dirigée par Béatrice Schmidt-Thollin, l’arrière petite-fille du fondateur, possède tous les ingrédients pour réussir à faire fructifier les atouts qui rendront fiers ses salariés.
C.B.
*Consumer Electronics Show.
Vidéo de présentation par Carlos Tavares au CES de Las Vegas :
RAM presentation of EFI Automotive’s induction robot charger – YouTube