De plus en plus souvent confrontés aux agressions physiques ou verbales, les maires se trouvent parfois démunis quant à la conduite à tenir. Pour cette raison, l’Association des Maires de France 01 et le parquet de l’Ain viennent de signer une convention contractualisant les démarches à entreprendre.
Quoi qu’on entende ici et là, la plupart des élus locaux s’engagent pour faire progresser leur territoire. Pour autant, de plus en plus souvent, ils sont confrontés à une violence de certains administrés. Sur cette seule année 2021, vingt-cinq situations de violences ont été recensées par l’Association des Maires de France 01, dont quatre font l’objet de procédures judiciaires. Jean-Pascal Thomasset, directeur de l’Avema (association des victimes et médiation de l’Ain), et maire de Nantua, a constaté l’évolution. “C’est une évolution inexorable que j’ai pu constater il y a près de 25 ans. Il y a d’abord eu les agressions de policiers, puis les gendarmes, les pompiers, les médecins, les services d’urgences… Tous les codes sont en train de se briser, le fossé se creuse et les agressions montent en puissance.”Le plus souvent, les agressions font suite à des litiges liés à l’urbanisme et à l’habitation – huit cas sur dix avance Jean-Pascal Thomasset. Un permis de construire refusé, une autorisation de travaux réclamée, pour lesquels “bien souvent, les maires n’ont plus la compétence. Les gens restent persuadés que le maire est le seul responsable. Ils le croisent sur la place du marché, au café, lors d’une permanence, et c’est l’agression.” Tout cela plus régulièrement dans les petites communes – comme on a pu le constater récemment à Saint-Sorlin-en-Bugey, où la police municipale et la vidéoprotection sont moins développés. “Oui, on a des élus qui ont peur” confirme Jean-Pascal Thomasset. “Certains ne dorment plus la nuit et pensent à rendre leur écharpe. Ils voyaient leur mission comme un rôle de coordination sur la commune, ils ne s’imaginaient pas devoir se battre.”
Pour autant, la réponse judiciaire a du mal à venir, “ce qui se passe avec les maires, c’est ce qui se passe avec toutes les victimes, à cause d’un état des lieux de l’institution judiciaire catastrophique. Pour la justice, la France est avant dernière en terme de logistique humaine par rapport au nombre d’habitants en Europe… Il n’y a pas les moyens humains.”
Face à ce constat, soixante-dix édiles, maires, adjoints, conseillers… étaient réunis au début du mois pour la signature d’une convention avec le parquet de l’Ain, en présence de Christophe Rode, procureur de la République, Jean-Yves Flochon, président de l’AMF de l’Ain et Jean-Pascal Thomasset. L’objectif étant de “tisser de meilleurs liens entre la justice et les collectivités” et surtout de formaliser les démarches entre les uns et les autres. Concrètement, un maire victime pourra déposer plainte auprès de la gendarmerie ou de la police ou l’adresser directement par courrier à l’attention du procureur de la République, qui saisira le service d’enquête chargé des investigations. L’élu devra également informer l’AMF pour renseigner son “observatoire départemental des agressions envers les élus.”Une fois par semestre, l’AMF 01 pourra demander quelles suites ont été données aux plaintes.
Outre le contact rapproché avec l’institution judiciaire, le soutien pourra aussi venir de l’AVEMA. À travers une aide psychologique, pas forcément évidente à accepter “pour les élus hommes” décrit Jean Pascal Thomasset. “Déposer plainte, c’est reconnaître une certaine forme de faiblesse.”
C.B.