
À Chazey-sur-Ain, la Ferme de Guilbon est une ferme expérimentale qui pratique l’aquaponie, un procédé agricole qui permet d’unir l’élevage de poissons et la culture de plants. Elle a été fondée par Claire et Guillaume Gobeaut, un jeune couple, qui a décidé de changer complètement de vie. Rencontre.
Claire et Guillaume ont un cursus atypique. Ils se sont rencontrés à l’hôpital, lui infirmier et elle brancardière. Face à la dégradation de leurs conditions de travail, tous deux ont décidé de se reconvertir, Claire s’orientant sur l’esthétique et Guillaume sur informatique. Aujourd’hui, si Claire est bien diplômée en esthétique, elle travaille pourtant dans l’industrie. Guillaume, lui, termine un master chef de projet réseau et sécurité en alternance. Mais le projet qu’ils développent en commun à Chazey/Ain est d’un tout autre ordre, puisque Guillaume a suivi parallèlement une formation au lycée agricole de Valdoie. Il y a notamment étudié les rudiments de l’aquaponie, une forme d’agriculture à laquelle tous deux croient fort, à tel point qu’ils ont décidé de l’expérimenter et s’apprêtent à en faire leur activité.
Claire et Guillaume, pouvez-vous nous expliquer plus en détails en quoi consiste l’aquaponie ?
L’aquaponie est la culture de poissons et de plantes ensemble, dans un écosystème construit en circuit fermé, en utilisant des cycles bactériens naturels pour transformer les déchets des poissons en nutriments pour les plantes. Elle s’inspire du comportement d’écosystèmes naturels complexes et est une forme de polyculture : aquaculture et maraîchage. Ce système de production permet un travail ergonomique, intensif en production mais pas en travail : pas d’arrosage pas de binage, pas de désherbage…
En ce qui nous concerne, nous avons lancé cette expérimentation en vue de créer une entreprise agricole pour viabiliser notre projet. En effet, après avoir construit un modèle prototype très prometteur, nous pensons que ce mode de culture répond précisément aux problématiques actuelles, le manque d’eau et la pollution principalement. La création de notre entreprise est en cours auprès de la chambre d’agriculture qui suit et soutient le projet. Notre ferme se situe à l’entrée de Chazey/Ain. Sur une parcelle de 400m2 à côté du château et nous produisons déjà légumes et poissons. Nous transformons sur place nos produits. Actuellement tout est cependant encore en phase de mise en place et nous prévoyons une ouverture réelle pour le printemps 2022.
Vous évoquez également une pratique de permaculture. Peut-on dire que l’aquaponie est donc une facette de la permaculture ?
Pour nous, la permaculture est plus un état d’esprit qu’une méthode à suivre. Elle vise à préserver les écosystèmes et à développer la biodiversité de manière globale à la ferme. Chaque décision est réfléchie pour respecter de la meilleure manière possible notre environnement et nos valeurs. L’aquaponie est effectivement une méthode qui s’inspire de processus naturels, elle est partie intégrante de l’idéologie de la permaculture. Elle est donc au centre de notre ferme et interroge l’ensemble de nos décisions. Cela nous amène par exemple à utiliser uniquement des matériaux de récupération. Nos cuves à poissons sont issues du recyclage de cuves agricoles vouées à la destruction, des liners de piscines remplacent les bâches neuves, les structures en bois sont des palettes… Nous achetons très peu de matériaux primaires et redonnons vie à des matériaux voués à la destruction et non recyclables. Nous faisons le maximum par nous-mêmes : tuyauterie, électricité, construction et site internet, Ce que nous ne pouvons fabriquer, est obligatoirement issu de ressources locales, nos verres par exemple sont fabriqués à Lagnieu, nous remplaçons les noix de cajou ou les pignons de pin pour nos pestos par des noix de Grenoble, nous refusons d’utiliser une huile d’olive importée pour nous concentrer sur de l’huile locale. Pour monter une ferme aquaponique, il faut avoir un état d’esprit et être un vrai couteau suisse humain, sans avoir peur d’explorer de nouveau horizons. Cela nous offre une très grande indépendance et donne l’authenticité au projet.
Quels sont les avantages réels d’un tel mode de pratique ?
Ils sont nombreux par rapport à l’agriculture conventionnelle. L’eau est un enjeu majeur dans le monde, l’aquaponie utilise 90% d’eau en moins que l’agriculture conventionnelle. L’aquaculture conventionnelle rejette ses effluents dans les rivières, l’aquaponie est en circuit fermé. Il n’y a aucun rejet dans la nature. Nous n’utilisons aucun produit toxique, ni médicaments, ni antiparasites, ni pesticides, algicides, ou autres poudres minérales dans nos systèmes, car ceux-ci pourraient tuer nos poissons. L’aquaponie permet une culture très dense, notre terrain de seulement 400m2 en est l’exemple parfait. Les racines baignent constamment dans un flux de nutriments oxygénés, et les plantes ont une croissance 2 à 3 fois supérieure…
Que comptez-vous proposer ici ? Votre ferme aura-t-elle une fonction pédagogique ?
Oui, la ferme sera ouverte à tous. Notre terrain répondra bientôt aux normes d’accueil et nous mettons un point d’honneur à permettre l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. Nous prévoyons de développer une ferme pédagogique et éducative pour sensibiliser la population aux modes de cultures alternatifs plus respectueux de l’environnement. Nous produisons sur place des aromates et légumes frais ; des poissons de consommation comme des truites, black-bass ou sandres, des poissons d’ornement, une gamme d’épicerie fine comme des pestos et tartinades, sels aromatiques, mélanges d’aromates… Nous développerons aussi des cycles des formations, et de certification et des visites organisées de la ferme.
Contact : contact@guilbon.fr, sur les réseaux : Facebook ou Instagram : LaFermeDeGuilbon . Site internet : www.guilbon.fr