La sécheresse en Dombes n’est désormais plus réservée à la période estivale. Elle est constante, depuis cinq ans. Serait-ce là une conséquence du réchauffement climatique ? En tout cas, les restrictions sont déjà là.
Depuis le 29 mars, la Dombes est déjà soumise à des restrictions en matière de consommation d’eau. En cause : le niveau très bas de la nappe de la Dombes, qui ne connaît guère d’amélioration depuis 2015. Le bassin de gestion des eaux souterraines se trouve donc en niveau d’alerte, tandis que les eaux superficielles restent en niveau de vigilance. Les riverains des communes concernées* ne peuvent donc pas remplir leurs piscines ou laver les véhicules en dehors des stations professionnelles, les professionnels comme les golfs, les collectivités, les agriculteurs… sont également soumis à des contraintes avec des horaires imposés pour les arrosages.
Bien que les derniers mois d’hiver ont été globalement un peu plus arrosés que les deux précédents, la nappe, située à près de 60 mètres de profondeur, ne se remplit toujours pas. Notamment sur le sud de la Dombes et notre secteur. Pour quelle raison ? Temps de latence très long entre les précipitations et le remplissage de la nappe ? Épisodes de pluie très intenses favorisant le ruissellement plutôt que l’infiltration de l’eau dans les sols ? Imperméabilisation trop importante des sols due à l’urbanisation croissante du secteur ? Augmentation de la consommation humaine et/ou industrielle ? Toutes les questions sont sur la table et la réponse n’est pas encore exactement connue. Jean Royer, chef du service gestion et protection de l’environnement à la Direction Départementale des Territoires, explique : “Tout cela contribue sans doute aux difficultés, mais on manque de données. Depuis 2019, tous les acteurs se sont mis autour de la table pour se mettre d’accord sur les études. Une étude d’adaptation de la gestion de l’eau au changement climatique est en cours. Toutes les questions sont posées. Nous [les services de l’État, ndlr] sommes là pour accompagner les territoires à porter les études. Selon certaines informations transmises par des experts, la Dombes pourrait être touchée par une forte sécheresse dans aucune équivalence en France métropolitaine. La situation est suivie de très près, elle a été évoquée lors de la visite de Bérangère ABBA, il y a quelques semaines.” La secrétaire d’État en charge de la biodiversité était en effet sur place le 12 mars dernier. L’Agence de l’Eau est également mobilisée.
Des conséquences sur le débit des rivières et sur les captages d’eau potable
Le sujet est majeur, car les conséquences sont préoccupantes pour l’avenir du territoire. Sur les cours d’eau d’abord, avec des niveaux très faibles en dehors des périodes de précipitations. La Sereine par exemple, qui prend sa source sur le plateau, pour se jeter dans le Rhône à Beynost, possède actuellement à Montluel un débit moyen proche de 0,25m3 par seconde, dignes d’un mois de juillet moyen, alors qu’ils devraient avoisiner les 0.6 m3. La Chalaronne, le Toison, le Cottey sont également largement impactés. Les forages pour l’eau potable posent également problème. “Sur Pizay, nous connaissons des difficultés chroniques, le niveau baisse. Nous avons eu des alertes.” Pour les maraîchers, ces années successives de disette ne sont pas sans conséquence sur la production. Julien Chapolard exerce sur le plateau du Mas Rillier. “On ne peut pas tirer le meilleur de la plante. On perd en rendement” explique-t-il simplement. Son voisin, Guillaume Rey, abonde : “Les grosses chaleurs de l’été et les coups de vent cumulés au manque d’eau l’hiver causent des pertes de rendement depuis deux ou trois ans.” Mais finalement, c’est surtout le consommateur qui en paie conséquences : “Le prix de vente des légumes augmente, car il y a un manque sur le marché”. Le cultivateur essaie de s’adapter. Spécialisé dans les légumes de saison – betterave, poireaux, choux, oignons, carottes, potimarrons, courgettes, mais aussi les céréales, il produit moins de pommes de terre, plus sensibles au manque d’eau et réfléchit à d’autres cultures. Plus largement, le monde de l’agriculture tente de trouver des parades. Des projets d’irrigation ont été étudiés, mais ils sont limités soit par la faisabilité technique, soit par la viabilité économique.
Si chacun, à sa manière, est contraint de s’accomoder, il faut peut-être se faire une raison : balayée par le réchauffement climatique, la Dombes humide semble en passe d’être classée parmi les souvenirs.
C.B.
Communes concernées sur notre secteur : Faramans, Joyeux, Le Montellier, Montluel, Pizay, Rignieux-le-Franc, Sainte-Croix, Saint-Eloi, Tramoyes
Nord de Neyron, Miribel, Beynost, Saint-Maurice-de-Beynost, La Boisse”.
Vers un nouveau système de pêche dans les étangs ?
Emblèmes de la Dombes, les étangs sont les premiers à souffrir de cette sécheresse permanente. Leur production principale, le poisson de Dombes, fait donc partie des plus impactées. La coopérative Coopépoisson regroupe les producteurs de près de 350 étangs en Dombes, représentant près de 2.200 hectares d’eau. C’est là que se reproduisent carpes, brochets, tanches, gardons, sandres, perches et autres black-bass… avant d’être pêchés entre octobre et fin mars et acheminés au lieu-dit Le Roset à Montluel. Selon sa destination, consommation humaine ou pêche de loisirs, le poisson reste plus ou moins longtemps dans l’un des bassins situés sur les 8 hectares de l’exploitation.
Une douzaine de personnes travaillent chez Coopépoisson. Mais l’entreprise a été contrainte de réduire sa production ces trois dernières années, en passant de 650 tonnes, pour les meilleurs crus, à 400 tonnes en 2020. Le moindre remplissage des étangs, qui dépend de la pluviométrie, entraîne automatiquement une surmortalité parmi les poissons, qui grossissent également moins. Michel Grange, directeur, décrit : “Un poisson commercialisable pour la consommation doit peser 1,5 à 3 kg. Cette année, souvent, ils étaient au maximum à 1,7 kg.” Difficile d’équilibrer les comptes avec les carpes destinées à la consommation des particuliers. Les transformateurs ont la main mise sur les prix : “On est assujetti à leur bon vouloir et à la concurrence des pays de l’Est. La transformation existe très peu en Dombes, nos gros acheteurs sont en Alsace. On essaie de développer la consommation et la transformation locale. C’est long, mais on ne désespère pas”. Du côté de la pêche de loisirs, la hausse des prix de vente compense un peu le manque de production. “Il existe une forte demande et c’est du loisir, les gens sont prêts à payer un peu plus cher.”
Pour faire face à la sécheresse récurrente, c’est tout le système ancestral de pêche qui risque d’être revu. Autrefois connue pour son humidité, la Dombes a conçu le fonctionnement de ses étangs sans prendre en compte les risques de pénurie. La pluie suffisait à assurer le remplissage des étangs d’une année sur l’autre. Dès que l’un était rempli, l’eau s’écoulait naturellement dans le suivant, par les systèmes des fossés et des thous, et, pour pêcher, on vidait le tout. Aujourd’hui, on cherche à conserver l’eau au maximum. “On essaie de ne pas gaspiller. On entretient et on cure bien les fossés pour que les étangs se remplissent correctement et qu’il n’y ait pas de déperdition dans les champs autour. Si on peut, on récupère l’eau du dernier étang par un système de pompage pour réalimenter les autres. On réfléchit aussi à moins vider les étangs pour les pêcher. Mais on n’y arrive pas encore vraiment, c’est fastidieux et aléatoire.” Une étude est également lancée avec l’ISARA, école d’ingénieurs en agronomie basée à Lyon, pour l’évolution des espèces. En effet, outre le manque d’eau, les fortes chaleurs estivales engendrent de fortes montées en température dans les étangs peu profonds, régulièrement à plus de 30 degrés. Ce qui peut être fatal pour des espèces telles que le brochet.
La pisciculture balbutie encore, mais le changement s’amorce sur le long terme. . C.B.