Titulaire d’une maîtrise de sociologie et d’un DEA Didactique des Sciences et Muséologie, militant d’un Internet citoyen et non marchand depuis la fin des années 90 car il ne se retrouve pas dans la privatisation actuelle du Net qui s’opère au profit de sociétés qui disposent d’une exclusivité, comme Google, Apple, Facebook ou encore Amazon, Philippe Cazeneuve sera de retour le vendredi 7 février à 20h30 à la MJC pur une nouvelle « Conférence gesticulée ». Après « De quelle Humanité le Robot est-il l’avenir ? » il abordera le thème des écrans, avec “L’écran… Méchant loup – Et le génie de la lampe merveilleuse”.
Philippe Cazeneuve, pourquoi ce choix d’aborder cette fois les écrans ?
J’ai passé 30 ans de ma vie professionnelle à concevoir, développer, promouvoir, accompagner la diffusion auprès du grand public de nouveaux services basés sur ce que l’on appelait à l’époque les TIC, les Technologies de l’Information et de la Communication. En tant que formateur et médiateur numérique, mon rôle était d’aider les personnes à « apprivoiser » les technologies pour ne plus en avoir peur et les accepter en confiance dans leur environnement domestique. Aujourd’hui, la situation s’est inversée. Les personnes averties passent presque plus de temps à se protéger des risques des technologies qu’à les utiliser en pleine confiance.
Par rapport aux écrans, rêve et cauchemar sont en opposition d’après un texte de présentation de votre spectacle. Selon vous, quels sont les “rêves” et les “cauchemars” qu’ils nous apportent ?
Tim Berners-Lee, qui a inventé le web il y a 30 ans, imaginait dans une tribune publiée dans Le Monde en mars 2017, je cite : « une plateforme ouverte qui permettrait à quiconque, partout, de partager des informations, de collaborer par-delà les frontières géographiques et culturelles (…). Le modèle d’affaires actuel de beaucoup de sites web est d’offrir des contenus gratuits, en échange de nos données personnelles. (…) Nous n’avons souvent aucun moyen de signaler aux entreprises quelles données nous préférerions ne pas partager, particulièrement avec des tiers. Les conditions générales relèvent du tout ou rien ». On est passé d’un modèle où les écrans étaient principalement des outils d’information et de communication, à une époque dans laquelle ils propagent beaucoup de fake-news, de canulars ou de rumeurs. Les services et applications de communication (messageries, réseaux sociaux, …) ne sont plus interopérables (capacité que possède un produit ou un système, dont les interfaces sont intégralement connues, à fonctionner avec d’autres produits ou systèmes existants ou futurs et ce sans restriction d’accès ou de mise en œuvre. N.D.L.R.) et donc contribuent à la division de la société, en créant de nouvelles formes de communautarisme.
Faudrait-il alors se passer des écrans ?
Il n’est pas question de se passer des écrans mais d’apprendre à mieux les utiliser. Cela peut conduire à moins les utiliser dans certaines situations, afin de privilégier les contacts humains directs, sans le filtre déformant des écrans. Ou bien encore à privilégier certains usages ou certaines applications par rapport à d’autres
Quel serait le « bon » écran, ou plutôt, la bonne façon de les utiliser ?
Comme la plupart des technologies, les écrans ne sont ni bons, ni mauvais. Il y a des usages pertinents et très utiles, et d’autres usages plus problématiques, voire potentiellement dangereux sur le long terme lorsqu’on laisse des enfants trop jeunes accéder à des contenus ou des pratiques inadaptés à leur âge.
Quelle est la conclusion de cette nouvelle “Conférence gesticulée” que vous jouerez à la MJC ?
Il y a deux types de liens : les liens qui nous lient, qui nous attachent, qui font de nous des prisonniers, et ceux qui nous relient à d’autres et nous permettent de nous libérer de notre solitude. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes pensent savoir utiliser les écrans mais en fait ignorent que ce sont eux qui sont utilisés par les écrans, ou plus exactement par les « loups » qui se cachent derrière les écrans : les GAFA ou autres grands groupes constituant des monopoles plus puissants que les plus grands états. Être utilisateurs libres ou esclaves des écrans ? C’est à nous de choisir !