La sombre nouvelle est tombée le 28 mars dernier. Deux jours plus tôt, le Hautevillois Christian Quesada venait d’être interpellé par les gendarmes de la compagnie de Belley. Le grand maître des “Douze coups de midi”, a été rattrapé par de vieux démons abjects. Lui qui disait souvent être revenu de l’enfer, témoignant dans une autobiographie de certaines turpitudes de son existence, n’en était peut-être jamais vraiment sorti…
C’est en 2015 que Christian Quesada posait ses valises sur le plateau d’Hauteville. Après le décès de sa mère, ce père divorcé alors âgé de 52 ans, arrivait de Provence sans un sou, et souhaitait se rapprocher de ses enfants. “Simple allocataire RSA, j’étais un papa célibataire, avec une situation familiale très compliquée” expliquera-t-il, quelques mois plus tard, tandis que sa popularité sur les plateaux TV commençait à atteindre des sommets. Peu après son installation dans la région, il adhère au Scrabble club d’Ambérieu-en-Bugey. Il se fera rapidement remarquer au sein du Comité du lyonnais par ses performances. “Un véritable as, il était très doué” nous confiera l’un de ceux qui le côtoyait à cette époque.
Christian Quesada n’est en réalité pas vraiment un inconnu. À la fin des années 80 et au début des années 90, alors qu’il n’avait qu’un peu plus de 20 ans, il s’exposait déjà sur les plateaux TV en prime-time, dans l’émission “Des chiffres et des lettres”. Un candidat brillant, voire exceptionnel, puisqu’il est le seul joueur à avoir remporté les trois grandes épreuves télévisées de ce jeu en 1987, 1989 et 1991.
À Hauteville, il loue une petite maison de lotissement. Ses enfants sont scolarisés sur le plateau. L’homme, discret, vivote avec les minima sociaux. Son existence va basculer le 4 juillet 2016, lorsqu’est diffusée sa première participation au jeu de TF1 “Les Douze coups de midi”. Au bout d’une semaine, il a déjà raflé 50.000 euros, et deux mois plus tard, il est devenu une véritable icône. Il affiche alors environ soixante victoires au compteur, enchaînant un véritable marathon télévisuel à raison d’une vingtaine de tournages chaque semaine. Devant les caméras, il s’épanche par brides sur son enfance compliquée, son passé douloureux, ses anciennes addictions….Il explique être arrivé au jeu avec moins de 60 euros sur son compte, ne sachant même pas comment il allait pouvoir s’habiller ou se déplacer. Son histoire fait mouche, elle émeut les foules. Lorsque sur le plateau son téléphone vibre, “c’est sa banquière qui appelle” plaisante-t-il. La sauce a pris et elle ne fera que monter. TF1 voit les records d’audience de l’émission tomber un à un, avec un pic historique de 6,8 millions de téléspectateurs. Une manne dont Christian Quesada sortira, à l’issue de 193 participations, avec une cagnotte cumulée de 809.392E.
À Hauteville, c’est devenu la vedette locale. Un statut dont il ne semble cependant pas abuser aux dires de ceux qui le croisent, et le décrivent unanimement comme un homme assez secret, mais volontiers disponible lorsqu’on lui demande de griffonner un autographe sur un bout de papier. La municipalité lui rend aussi hommage. En 2017, on le voit dans la station honorer son rôle de parrain de la course de “l’Ain possible”. Tout le monde semble le connaître.
Un passif bien “compliqué” avec déjà plusieurs condamnations
“Comme une popstar britannique, je signe des autographes par dizaines. Je suis même la première occurrence sur Google lorsqu’on tape Christian, devant Christian Bale, Christian Clavier et Christian Estrosi”. Quelques mois plus tard, auréolé de cette nouvelle popularité qui semble lui ouvrir toutes les portes, Christian Quesada publie son autobiographie, intitulée “De la rue à la gloire, l’incroyable histoire d’un génie du jeu”. Il y dépeint sa scolarité compliquée et ses difficultés à s’adapter, (il arrête les études à 15 ans), jusqu’à sa descente aux enfers. On y apprend sa découverte de ses capacités mémorielles, lorsqu’à 7 ans, il connaît déjà par cœur le nom d’environ 300 joueurs du championnat de France de football. Il prétend même avoir appris le dictionnaire par cœur. Mais il avoue aussi ses défaillances, ses blessures. En 1985, il a 21 ans lorsque son frère se suicide en sautant par la fenêtre de leur HLM. Puis il y a eu la drogue, l’alcool, les dettes…Une longue descente aux enfers, qui le conduit à être expulsé de chez lui et à vivre dans la rue. De sa passion pour les mots et sa soif d’apprendre impossible à étancher, aux excès en tout genre, avec cette autobiographie on croît presque tout savoir sur lui. Il y évoque sa rencontre avec sa femme et son mariage en 2008, la naissance de ses enfants, puis son divorce quatre ans plus tard.
Mais à défaut de se livrer véritablement à nu dans son ouvrage, il le fait en réalité derrière son écran.
Christian Quesada traîne en effet derrière lui quelques veilles casseroles judiciaires. Et pas les moindres. Poursuivi à trois reprises par la justice entre 2001 et 2009, il a été condamné deux fois à de la prison avec sursis. Certes, les peines sont révolues, la dette sans doute payée, mais elles font planer une ombre bien opaque sur celui qui a su s’attirer la sympathie bienveillante des foules. D’autant plus que l’une des condamnations porte sur la détention d’images pornographiques, et une autre sur des faits d’exhibition…
Malgré cette notoriété qui aurait pu susciter un dépouillement en règle de la vie de l’intéressé, ces affaires ne seront jamais dévoilées. Il aura fallu un autre dérapage pour que tout éclate au grand jour, avec la plainte des parents d’une adolescente de 17 ans qui expliquera avoir été abordée sur internet par une personne qui se prétendait mineure et qui lui demandait de se dévêtir et de lui envoyer des photos dénudées. Le procureur de la République de Bourg-en-Bresse Christophe Rode, en charge du dossier, explique que “des propositions ouvertement sexuelles” auraient également été formulées. Cette personne, tout porte à croire aujourd’hui que c’est Christian Quesada. Il aurait avoué lors de sa garde à vue. Mais en dénouant les fils de cette enquête, la police de lutte contre la cybercriminalité va découvrir bien d’autres choses. Christian Quesada est finalement interpellé par les gendarmes de la compagnie de gendarmerie de Belley, le lundi 25 mars. Une perquisition a lieu simultanément chez lui. Dans son ordinateur, des milliers de clichés et vidéos compromettantes sont retrouvées, mettant parfois en scène de tous jeunes enfants contraints à des relations sexuelles. Les disques durs ont évidemment été saisis pour des expertises complémentaires. Le procureur de la République Christophe Rode, a déclaré que des documents auraient également été diffusés sur les réseaux, ce qui a valu à Christian Quesada d’être mis en examen et placé en détention provisoire sous le chef d’inculpation de “détention” mais aussi “diffusion d’images pédo-pornographiques”. “Il se rend compte de la gravité des faits mais explique avoir seulement consulté ces images et n’avoir jamais commis d’agression sexuelle”, précise Christophe Rode.
Christian Quesada doit être de nouveau entendu, afin de déterminer comment il a récupéré ces images et s’il était lié à des réseaux.
En attendant, l’ancien maître de midi est toujours derrière les barreaux. Le lieu de son incarcération a été tenu secret, officiellement en raison “du risque de représailles et de racket de la part des autres détenus”. En fonction de l’évolution de l’instruction, il pourrait y être maintenu ou libéré et placé sous contrôle judiciaire en attendant son jugement.
S’il doit s’avérer qu’il a réellement participé à la diffusion d’images pédopornographiques, il risque jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 100.000 euros d’amende.