Quatre-vingt-cinq ans, bon pied, bon œil, une vivacité à toute épreuve, une mémoire intacte, Jeanine Gallet est l’incontournable présidente de l’Âge d’or. Une femme toujours tournée vers les autres.
Jeanine Gallet est une véritable enfant de St-Denis puisqu’elle y est née en 1933. À l’école du village, elle a appris à lire et à écrire et a bâti ses premières amitiés. Le travail, la rigueur, le respect de soi et donc des autres, furent les grandes lignes de son éducation.
Très vite, elle quitte l’école et travaille à l’usine du village pour apporter une aide financière à ses parents et c’est tout naturellement qu’elle insiste auprès d’eux pour travailler également le week-end à la boulangerie. C’est ainsi qu’elle démarre dans la vie, consciente que seul le travail peut lui rapporter le salaire qui lui permettra de vivre confortablement. Mais là ou Jeanine s’épanouit le plus, c’est surtout dans ses relations aux autres. C’est donc tout naturellement dans le commerce qu’elle s’orientera.
À Marboz, son mari tient une boucherie et c’est Jeanine qui conduit le “tube” et se rend à l’abattoir chercher la viande qu’elle charge elle-même, avant de la ramener à la boucherie. Il faut dire que son mari ne conduisait pas alors que Jeanine n’avait pas froid aux yeux et savait tirer partie de toutes les possibilités qui lui étaient offertes.
Après la boucherie, c’est un travail de restauratrice qui l’anime. Jeanine mènera son affaire de mains de maître, toujours “dopée” par le travail. Si le commerce de pain et de viande n’est pas de tout repos, la restauration ne l’est pas non plus. Sur le pied de guerre 7 jours sur 7, elle reçoit les clients, les régale et leur offre un bon moment de détente dans son établissement à la Boisse.
Puis c’est sur un coup de tête, un pari un peu fou, qu’elle s’engage dans le monde de la nuit. La voilà cette fois-ci à la tête d’une boîte de nuit à Lyon.
Très vite, ça ne désemplit pas. Il faut dire qu’elle ne manque pas d’idées pour divertir ses clients. Elle échafaude des soirées à thème, s’inspire de la capitale et fait venir à Lyon ce qui fait le succès de l’époque à Paris : les artistes de chez Michou. Il faut oser et elle ose. Elle veut plus grand et c’est ainsi que Jeanine revient dans l’Ain à la tête de “La Dame de pique” à Chazey-sur-Ain. À cette époque, tout la passionne dans les métiers de la nuit et rien ne lui fait vraiment peur, sûrement pas les défis. Elle est capable de servir les boissons, de négocier avec les artistes, d’organiser les plus beaux spectacles et elle règle aussi les conflits entre clients un peu éméchés… “Tout était dans la diplomatie !” dit-elle aujourd’hui
en se remémorant cette époque. Elle passera ainsi 10 années en boite de nuit avant de prendre enfin une retraite bien méritée, il y a seulement 10 ans.
Qui dit retraite, dit repos non ? Pas pour Jeanine Gallet, ou alors la définition du mot repos est quelque peu différente…
Elle ne sera jamais vraiment une grand-mère tranquille dans son fauteuil à regarder la télé tout en sommeillant. Non. Jeanine parle, Jeanine raconte, se raconte : ses yeux s’éclairent, son regard pétille, elle a 20 ans, elle a 30 ans, elle a 40 ans et elle égrène les anecdotes de sa vie. Toujours autant de passion qu’elle transmet en racontant. Tout d’un coup, elle se lève avec une vivacité qui n’a d’égal que celle de son esprit. En 3 secondes elle a longé le couloir, est entrée dans une pièce et elle vous ramène un album photos dans lequel elle retrouve d’autres souvenirs encore…
À St-Denis, elle occupe maintenant une place plus tranquille, mais n’est pas à l’écart des autres pour autant, puisque c’est elle la présidente de l’Âge d’or. “Je n’ai jamais proposé ma candidature, ce n’était pas du tout mon intention, mais ils ont tous voté pour moi. Je ne sais pas pourquoi !…” explique t-elle, avant d’ajouter qu’ici “on se retrouve tous les jeudis et ce ne sont que des personnes heureuses de venir”. Parmi les adhérentes, une certaine Odette Bourgeaud “qui m’a vue naître et qui se souvient très bien ! elle va avoir 100 ans en avril.”
Cette association, c’est un peu comme la vie de Jeanine, une histoire de belles rencontres, d’amitiés, de simplicité et de rendez-vous humains : “nous organisons des concours de belote pour se faire plaisir avec les bénéfices. Mon but est avant tout que nous puissions faire des repas ensemble avec une animation ou des sorties et que cela ne nous coûte pas trop cher. Vous savez, les retraites ne sont pas très élevées et je veux que nous puissions tous nous rassembler, sans que les finances ne soient un frein pour qui que ce soit. Donc je fais en sorte de récolter de l’argent, puis je négocie au centime près et ça nous permet de nous offrir un bon repas avec des animations. Il y a quelques années, j’ai pu faire venir des travestis qui nous ont fait une soirée inoubliable en reprenant Mylène Farmer, Edith Piaf, Dalida…Cette soirée fut un événement et on en parle encore !”
Entre les sorties, les dégustations de plats régionaux, les soirées de gala, Jeanine pense, réfléchit, organise, négocie, invite et participe. Fidèle à son état d’esprit, elle continue à offrir du plaisir et tous lui font confiance.
Jeanine est un bel exemple de dynamisme et de goût de vivre, elle qui a puisé toute sa force mentale dans le travail et qui a transmis tout au long de sa vie, sa joie de vivre, son sourire, pour continuer encore aujourd’hui.
Entre deux mots, elle confie un secret : sa plus grande réussite et sa plus grande fierté dans cette vie riche, cela reste ses enfants. Ils ont bien retenu la leçon qu’elle a voulu leur enseigner, à savoir que le travail est la seule façon de réussir. Ses deux enfants lui donnent chaque jour ses plus grandes joies et sa petite fille, est incontestablement sa plus grande fierté.